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AVIS – Etudier les classiques

J’aurais pu intituler cet article « La supériorité des classiques sur ce que tu peux lire« , mais je pense que je vais partir sur un titre plus simple, tout en gardant la même trajectoire.

Je viens de finir ma deuxième année de CPGE littéraire (prépa A/L pour être plus précise), option Lettres Modernes. J’ai aussi suivi une filière littéraire au lycée, fait du latin depuis le collège, et une année de grec ancien. Je peux donc dire que j’en ai étudié des textes, et que j’ai aussi fait beaucoup d’analyses. C’est pourquoi j’avais envie de vous écrire cet article un peu différent, toujours sur la littérature et la lecture, mais en me penchant cette fois-ci sur l’étude des classiques et mon avis à ce propos.

  • Qu’est-ce qu’un classique ?

Je pense qu’avant de commencer, une petite définition s’impose. J’ai eu la chance d’avoir un cours à ce sujet, et pour dire les choses simplement ; une oeuvre peut être considérée comme étant un « classique » à partir du moment où elle est étudiée en classe. Ceci impose une échelle de valeurs, entre ce qui est considéré comme classique, et ce qui ne l’est pas.

  • L’échelle des valeurs

On peut tout de suite voir que deux camps se forment en littérature ; on peut lire de tout légitimement, mais la distinction se pose entre ce qu’on doit étudier, et ce qui ne « mérite » pas de l’être. De nombreuses fois on a pu me dire « tiens, lis ça, c’est de la vraie littérature, pas comme ce que tu peux lire« . J’ai la chance d’avoir plusieurs genres de prédilection, pouvant passer du Jane Austen à du George R. R. Martin ou encore à du Julien Dufresne-Lamy . Et pour exemplifier mon propos, j’ai reçu à mon anniversaire plusieurs romans de Lovecraft de la part de mon père, accompagné de cette remarque ; « c’est de la vraie littérature, ça te changera« . Déjà, je trouve cette phrase totalement fausse et déplacée, dans n’importe quel cas, mais j’y reviendrai. On a le droit d’aimer un auteur (en l’occurrence, H. P. Lovecraft est l’auteur préféré de mon père, et Stephen King le qualifie d’ailleurs comme étant le « plus grand artisan du récit classique d’horreur du vingtième siècle »), on a aussi le droit de conseiller un auteur qu’on apprécie, et considère comme « supérieur », donc classique.

Bref. Ce que je trouve inacceptable, c’est d’avoir cet esprit fermé sur la question, et de dévaloriser un auteur, sous prétexte qu’on ne le connait pas, ou qu’on le juge comme étant moins bon qu’un autre. Par exemple, je refuse de croire et de dire que la romance young adult puisse être inférieure au genre naturaliste, mouvement littéraire du XIXe siècle qu’on étudie en cours. On a le droit par contre de dire qu’il ne s’agit pas de la même chose, donc qu’il serait difficile de pouvoir totalement comparer. Les mouvements comme le classicisme, romantisme, réalisme, etc. ne sont en rien supérieurs aux genres du XXIe siècle, ou même à la littérature pour jeunes adultes. 

Il faut prendre en compte que le monde change, donc que la littérature change. A ce propos, le romantisme s’est tout de suite opposé à la tradition classique dans les arts. Ce mouvement témoigne que l’échelle des valeurs n’est pas vouée à demeurer telle qu’elle, mais bien que le changement n’est pas exclue. Evidemment, on ne peut pas compter sur un changement immédiat. Je crois que le même changement finira bien par s’opérer du côté de la littérature moins noble, et que des genres tel que la littérature bit-lit finiront par être acceptés dans les études littéraires.

 

  • La littérature change

Le monde change, la littérature s’adapte. On a de la chance de pouvoir compter sur l’écriture de plus en plus de sujets, afin de comprendre le monde qui nous entoure ; sexualité, identité, violences, etc., alors que ceci paraissaient presque inenvisageable il y a encore quelques décennies. Ou du moins, peut être qu’on en parlait, mais beaucoup moins qu’aujourd’hui. La littérature permet de créer de la visibilité, d’expliquer, de transmettre. On ne peut donc pas dénigrer les genres récents au profit de ceux établis, ou alors, on passerait à côté des messages de notre propre époque.

Je suis totalement d’accord avec le fait qu’aujourd’hui la littérature est plus abondante qu’à une autre époque, donc aussi plus accessible. Les Révolutions industrielles ont permis une écriture plus rapide, et des moyens de diffusion plus larges ; on peut donc légitimement être sceptiques face à la littérature moderne, qui serait alors considérée comme « plus facile » qu’à une autre époque, bien que cet argument soit discutable. Cela ne veut pas dire que la littérature est mauvaise, ou même plus mauvaise qu’autrefois ; elle est juste différente. Et heureusement, car rien ne serait pire que se retrouver avec des genres figés. On peut compter des navets dans les classiques, des livres moins bons, mais ce n’est pas pour autant que ces écrits ne peuvent pas entrer dans les classiques. Je n’aime pas les histoires de Rabelais mais je vois tout à fait leur intérêt littéraire, je n’aime pas Beckett et je ne comprends pas tellement pourquoi ses œuvres sont étudiées, j’apprécie beaucoup celles d’Homère et j’aime les étudier. C’est mon échelle des valeurs.

Finalement, on a tout à fait le droit de ne pas apprécier un livre, un auteur, un genre. Mais c’est faire preuve de fermeture d’esprit que de rabaisser un genre au profit d’un autre. Vous l’aurez compris, je suis pour l’étude des romans modernes, tous genres confondus. Je pense aussi que c’est cette fermeture dans les études (pas seulement dans le supérieur, mais aussi au collège et lycée) qui fait qu’aujourd’hui de nombreuses personnes n’aiment pas lire. Il n’y a pas de vraie ou de fausse littérature, mais bien des fenêtres sur le monde, qu’on est libre d’apprécier ou pas.

3 commentaires sur “AVIS – Etudier les classiques

  1. J’aime beaucoup ce que tu écris, merci c’est vraiment enrichissant. Je suis d’accord sur ta conception de l’échelle des valeurs, j’avais souvent pensé à ça sans forcément matérialiser ma pensée donc merci de l’avoir fait 🙂

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